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INTERVIEW: ISABELLE HAYEUR

In the fall of 2017, The University Art Gallery at the University of Pittsburgh hosted the exhibition, Isabelle Hayeur: A Part from Nature. The exhibition was a considered intersection in anthropocentric ecological assumptions: she appears to engage with the question of human exceptionalism in the age of the Anthropocene–a “part from” nature. Yet simultaneously she joins elemental aquatic, capitalistic, and other ecosystems into one, leaving that same self-centered subjectivity at the center node to observe what we wrought.

 

Sedimenta‘s editor-in-chief Lily Brewer interviews Hayeur, a Montreal-based landscape photographer and videographer. Taking the undercurrents of climate change as her subject, Hayeur captures what escapes our vacationing, domestic, and house-hunting views. Her photographs depict the emerged and the immersed simultaneously, in near-intimate detail. This unique double vision establishes a perspective that unifies both evidence of environmental trauma and its deleterious effects. She does offers another voice, calling to the vacationing and sprawling communities she portrays, one that accompanies the Indigenous pleas for environmental justice and citizen resistance: water is neighbor, friend, and above all else, life.

In addition to the gallery on the right, you can view a small exhibition of her work here.

SEDIMENTA: Recently, you exhibited some works from your project Underworlds, where you used an airtight lens to capture both underwater and just above the surface. Your photographs are unique in this way, especially your vertically-oriented ones. How do you view the effect of your dual landscapes?

Les œuvres de cette série ont principalement été réalisées dans des milieux aquatiques altérés et pollués. Je m’intéresse à ce qu’on ne voit pas habituellement, à ce qui nous échappe normalement. Ces réalités se dérobent au regard surtout parce qu’elles sont situées sous la surface et qu’il faut un appareil adapté à la prise de vue aquatique pour les capter, mais aussi parce que la photographie aquatique conventionnelle ne
s’intéresse pas tellement à ce type de paysages; elle nous présente plutôt des lieux enchanteurs et colorés, ce que je cherche à présenter, c’est l’inverse. Mes photographies nous montrent l’envers du décor, ce qu’on ne veut pas voir lorsqu’on est en vacances. De plus, lorsque l’on regarde un milieu aquatique à partir de notre point de vue habituel, à hauteur d’homme, beaucoup de choses sont invisibles. Le fait de dévoiler à la fois la portion émergée et la portion immergée d’un écosystème, nous fait prendre conscience de ce qu’on ne voit pas (ou de ce qu’on ne veut pas voir). On a alors le point de vue du milieu lui-même, capté à partir de sa perspective à lui. Ces paysages nous révèlent, en quelque sorte, l’inconscience du monde. Cette double vision nous permet aussi de comprendre comment notre façon d’aménager et d’exploiter un milieu naturel a des conséquences sur celui-ci.

SEDIMENTA: The execution in your photograph Aube allows us to see the utmost layers of the earth in fine, technical detail. How did you capture the layers of the earth, especially from what appears to be a vantage point from inside the earth?

Comme dans plusieurs de mes œuvres photographiques, particulièrement celles qui ont été réalisées avant la fin des années 2000, j’ai eu recours à la retouche et au photomontage pour réaliser mes œuvres. Ces images ont été construites grâce aux outils de transformation de l’image, elles sont un peu comme des tableaux; Aube est une vue de l’esprit en ce sens. La section nous montrant l’espace souterrain a été fabriquée à partir d’images de terres, de racines, de déchets… que j’ai ensuite superposées et amalgamées entrent-elles. La section aérienne a été réalisée en déposant l’appareil photo au sol, car je voulais capter une vue très rapprochée, presqu’intime, du paysage. Ici aussi, mon intention était de montrer ce qui se joue sous la surface, de dévoiler un paysage invisible et pourtant essentiel à la vie, comme si la terre nous livrait sa propre vision.

SEDIMENTA: You’ve said that metaphor plays a role in work, especially in your experimental video Salton Sea, where you mention the “landscapes are loaded with metaphoric implications.” In fact, waves and water are recurring imagery in your work, and water has often been used as a cleansing or even a baptismal symbol. What do waves and water signify to you?

J’ai grandi près d’une importante rivière, la Rivière des Mille Îles, située dans une banlieue de Montréal. Cet endroit, comme la plupart des territoires périurbains, fut d’abord un lieu de villégiature et d’agriculture. C’était la campagne et, en l’espace d’une trentaine d’années, ces lieux ont radicalement été bouleversés par l’étalement urbain. L’écosystème de la rivière a totalement été modifié et elle est devenue très polluée, trouble, presque opaque. Certaines espèces végétales l’ont envahie, les batraciens ont disparus, un barrage a été construit, le lit de la rivière s’est sédimenté… Les impacts ont été importants et j’ai assisté à cela en direct, cette expérience m’a profondément marquée. Je pense que la présence récurrente de l’eau dans mes œuvres est d’abord liée à ce vécu et à l’attachement que j’ai développé envers les écosystèmes aquatiques en vivant au bord de l’eau, avec la rivière comme voisine, comme amie. Je pense que de façon plus générale, l’eau est un symbole assez universel de la vie, les organismes vivant étant constitués principalement d’eau.

SEDIMENTA: In your video works, like Silent Spring and Solastalgia, your vantage point ranges from the aerial and cosmic to the microscopic, and one of these scales overlays on another: a submerged plastic bag with cell division, a refinery with a hurricane formation. These transitions are subtle but engaging. In Silent Spring, it has a bit of a unsettling effect (like when the image of the fetus transitions to the image of the refinery, then to the hurricane visualization), but in Solastalgia, it has a tender and profound effect (like when the waves transition into the image of the room then back to waves and then the hurricane). Why chose these transitions?

Dans mes vidéos, j’ai souvent recours à de longues et subtiles transitions pour permettre à deux séquences distinctes de se fondre l’une dans l’autre. J’utilise tout simplement de longs fondus-enchainés et parfois des techniques de compositing. Cela crée des espaces intermédiaires, où deux mondes se mêlent graduellement, et pendant lesquels le regardeur peut songer à ce qui lie, ou à ce qui oppose, ces réalités. Par exemple, dans Silent Spring, une vidéo inspirée par les travaux de Rachel Carson, je passe insensiblement d’un espace où l’on voit des raffineries de pétrole, à celui d’un ouragan. La fumée s’échappant des cheminées se combine avec les nuages de l’ouragan; cela permet de mettre en évidence des relations de cause à effet, car nous savons que ces émanations contribuent aux changements climatiques.

SEDIMENTA: I see your work both as an exhibit of the ruinous effects of man, but in some poignant moments (like the fetus and the cells) I see an invitation to imagine new things arising out of the devastation. Do you see your work as inviting new imaginations of better things?

Je fais souvent cohabiter l’enchanté et le désenchanté, l’abject et le séduisant, pour mettre en évidence l’ambigüité de notre relation à ce qui nous entoure. Je combine des réalités dont les significations me semblent antinomiques pour que deux idéologies opposées s’affrontent. L’une témoigne du rapport instrumental que de nos sociétés industrielles ont développé envers « l’autre », la seconde évoque une vision plus soucieuse des permanences. Il y a donc un constat cru et lucide, mais aussi l’espoir que les choses peuvent changer ou se rétablir.

SEDIMENTA: Given the dire, apocalyptic conditions of the Anthropocene, what advice would you give to your audience that would encourage art-making and other modes of resistance?

L’art peut contribuer à un certain éveil, changer les mentalités et amener les gens à se mobiliser. Je pense que la créativité est un outil de prise de conscience et un vecteur de transformation. En ce moment, je m’intéresse à la résistance citoyenne et à ceux qui luttent pour que notre monde devienne meilleur – pour tous. Je documente des groupes qui s’opposent à l’industrie pétrolière et à d’autres activités extractivistes – où l’environnement est simplement considéré comme une ressource à exploiter et à piller. « Penser global, agir local » est quelque chose que je tente d’intégrer à ma pratique artistique, en m’impliquant avec des gens qui y travaillent déjà.

From the editor: an English translation of this interview is forthcoming. For the time being, please enjoy the artist’s response in its original language.

Born in Montreal in 1969, Isabelle Hayeur lives and works in Quebec, Canada. She holds a Bachelor’s (1997) and a Master’s (2002) degrees in Fine Arts from the Université du Québec à Montréal. As an image-based artist, she is known for her photographs and her experimental videos. She has also realized several site-specific installations and public art commissions. Her work is situated within a critical approach to the environment, urban development and to social conditions. She is particularly interested in the feelings of alienation, uprooting and disenchantment.